Publié le 07-12-21

“Faire de l’équitation ? Avec un vrai cheval ?!”. Si pour certains, l’équitation est un rêve, pour d’autres, le cheval éveille des peurs enfouies. Pourtant, le cheval est un allié naturel des équipes pédagogiques de l’UCPA et un partenaire d'exception quand il s’agit de travailler sur la remobilisation sociale et scolaire de publics en difficulté.


D’octobre à mai, les moniteurs UCPA accueillent une vingtaine de structures partenaires dans 4 de ses centres équestres : Bayard UCPA à Vincennes, Bry, Saint-Maur-des-Fossés et La Courneuve. 

 

Chaque structure dispose d’un atelier de deux heures par semaine autour du cheval. Les séances alternent pratique à cheval (apprendre à s'équilibrer, à avancer, à diriger, parcours ludique...), observation et écoute des chevaux en liberté, atelier pansage... 


La pratique de l’équitation repose sur l’écoute, le respect et le partage. L’interaction entre l’homme et l’animal est un facteur clé de motivation et de progression. L’objectif pédagogique de chaque atelier équestre est clair : favoriser la remobilisation de tous.

1. Le cheval, un allié du système scolaire


Muriel est conseillère principale au Lycée Christophe Colomb de Sucy-en-Brie (94). Chaque année, elle accueille une vingtaine de jeunes dans la classe passerelle de son établissement. Ils ont souvent vécu des parcours chaotiques. C’est la troisième année qu’elle propose à ses élèves l’équitation dans leur parcours de formation. La classe est scindée en deux. Chaque groupe se rend une semaine sur deux au centre équestre de Saint-Maur à Marolles-en-Brie, en alternance avec un module de musique.

 

'L’équitation est une matière à part entière dans le programme scolaire de la classe. En arrivant au lycée, ils sont nombreux à se confronter à la barrière de la langue, aux codes sociaux et aux différences d’us et coutumes. Le cheval crée une incroyable synergie entre les élèves. Face au cheval, les différences s'atténuent. Le contact privilégié qu’ils nouent avec l’animal les oblige à se transcender, à aller vers l’inconnu et à dépasser les barrières et les préjugés. Cette dynamique positive et la conscience de vivre une expérience unique ont une influence bénéfique sur le comportement de toute la classe.'


Aladji a 17 ans. Il vient du Sénégal. Il est arrivé en France en octobre 2020 et a intégré la classe passerelle en décembre 2020. Il avait déjà fait une partie de sa scolarité en France en primaire. À la suite de son année dans la classe Passerelle, Aladji a eu une affectation en première BAC Pro. 

 

'Dans mon pays, j’avais l’habitude de voir des chevaux et j’aimais leur contact. La différence, c’est qu’on monte sans selle et que l’on n'a pas de matériel. En arrivant en France, je ne connaissais pas le mot équitation. Il faut laver les pieds des chevaux pour nettoyer la terre qui leur fait mal. Le cheval est doux, calme et intelligent. J’aime bien les courses d’orientation, les sauts d'obstacles, les jeux pour toucher une cible au galop. Ça nous sort de notre environnement habituel, on s’amuse, on se déconnecte au contact de la nature, on ressent l’air, on réussit des exercices, et ça, ça fait se sentir bien.'


Hamidou n'avait jamais été scolarisé auparavant et a intégré la classe passerelle avec une grande volonté de s'en sortir. D'origine malienne, il trouve que la classe passerelle l’a mieux préparé qu’une seconde classique. Depuis, il a intégré une première BAC Pro Systèmes numériques au lycée C. COLOMB pour la saison 2021/22.

 

'Au début, on ne connaissait pas le matériel et on ne pouvait pas tenir assis sur les chevaux. On s’aidait entre nous pour attacher un cheval ou le brosser. Ça rapproche. Comme on nous laissait le choix, j’ai pris plusieurs chevaux. C’est pas difficile de respecter les consignes car elles sont claires. Quand on tombe, il faut reprendre du courage pour remonter sur le cheval. C’est comme un sport, ça permet d’avoir confiance en soi et d’accepter la défaite. C’est utile dans la vie courante. Avec la classe passerelle, j’ai trouvé ma voie.'


Hélène est coordinatrice des ateliers équestres organisés par l’UCPA. Elle fait aussi partie de l’équipe pédagogique de la classe passerelle. Le changement le plus significatif qu’elle observe entre le début et la fin d’année, c’est le comportement des jeunes de la classe entre eux. Petit à petit, au contact du cheval, ils abandonnent les comportements individualistes, s’aident et deviennent plus solidaires. 


'Ils choisissent souvent un cheval qui révèle leur personnalité ou leur état d’esprit à l’instant T. C’est ce qu’on appelle le cheval miroir. Par exemple, quand un jeune a peur, il va utiliser l’attaque et la mise à distance des autres. Le cheval agit de la même façon. Très vite, le cheval leur fait comprendre que tout changement positif dans chaque interaction dépend d’eux. C’est leur façon d’agir et de se comporter qui dans la vie va régler la plupart de leurs problèmes.'

Hélène propose volontairement de faire le même exercice avec la classe en début et en fin d’année. Elle met un cheval dans un manège avec deux plots et demande au groupe de le faire bouger d’une zone à une autre sans jamais le toucher. Au début de l’année, le groupe, maladroit, s’agace, crie et abandonne en concluant que ce n’est pas possible. À la fin de l’année, le travail d’équipe a fait son œuvre et le cheval bouge en quelques minutes à l’emplacement souhaité dans le calme et la sérénité. 

 

2. Le cheval, un partenaire pour sortir de l’isolement


Dans un quotidien sans répit pour des publics adultes en précarité, où chaque jour, se succèdent des problèmes pour se loger, pour manger, pour obtenir des papiers, la peur d’être expulsé, le cheval est un partenaire en or de la réinsertion sociale. Son contact aide à sortir de l’isolement, à renouer avec un engagement et à rencontrer d’autres personnes quand plus rien d’autre n’a de sens.


Shala est iranienne. Elle vient depuis 3 mois avec l’Association Aurore et elle revient toutes les semaines. Elle n'avait jamais eu de contact avec les chevaux avant l’atelier mais en avait toujours rêvé. Elle aime tellement monter à cheval et passer du temps avec Paprika qu’elle a investi dans du matériel pour pouvoir en faire toute l’année, malgré ses ressources limitées. 

 

'Quand je viens faire du cheval, je me sens vivante. Il n’y a rien d’autre d’amusant dans ma vie mais quand je viens ici, j’arrive à mieux respirer. Les animaux nous comprennent vraiment. Quand je ne me sens pas bien, mon cheval n’est pas très bien lui aussi et on a du mal à se connecter l’un à l’autre. Quand tout va bien, c’est l’opposé. Depuis 5 ans que je suis en France, ce n'est pas moi qui décide de ma vie. Ce qui me surprend le plus, c’est qu’avec le cheval, c’est moi qui décide. Je prends les rênes, je lui dis RESTE et il m’écoute. Ça me fait du bien. Je sens que je compte pour lui et il compte pour moi.'


Ça fait 3 mois qu’Olivier vient au centre équestre Bayard UCPA de Vincennes. Il a grandi dans le 12ème arrondissement et a appris à monter en colonie de vacances avec son frère à 9-10 ans. Depuis qu’il est petit, il a un contact aisé avec les animaux. Quand l’association Aurore lui a proposé de participer aux ateliers équestres, il a tout de suite sauté sur l’occasion. 

 

'J’étais surpris qu’on me propose de faire de l’équitation, surtout à Paris car c’est pas donné. J’aime être dans la nature avec les chevaux, ça me fait sortir de ma chambre, ça me permet de voir des gens mais surtout, ça me donne de la joie. Ça m'évite de trop réfléchir et d’avoir de mauvaises pensées. Les animaux donnent beaucoup plus que les humains. Je prends toujours Othello quand je viens au centre équestre. Il a l’allure d’un cheval de la Garde Républicaine. Il est grand, il est beau et il m’impressionne. Je fais attention à lui et lui fait attention à moi. C’est beau d’être avec un cheval, il y a un respect mutuel. J’aime faire du galop, du trot, des slaloms. Enfant, le cheval me guidait. Aujourd’hui, c’est moi qui le guide. Je me sens à l’aise mais j’ai envie de progresser. Avec la monitrice d’équitation, Babeth, j’apprends à corriger ma posture et mon guidage. J’ai envie de devenir un bon cavalier, je veux essayer en tout cas. Si c’était possible, je deviendrai palefrenier pour passer plus de temps avec les chevaux.'


En plus d’une complicité certaine avec leur cheval, Shala et Olivier ont une autre chose en commun : ils veulent tellement progresser et devenir de bons cavaliers qu'ils aimeraient que l’atelier ait lieu deux fois par semaine au lieu d’une.


L’UCPA propose depuis 1998 des ateliers d’équitation pour reprendre confiance en soi et se reconstruire au contact du cheval. Ce dispositif réunit de nombreux partenaires de l’action sociale mais aussi institutionnels comme l’ANCV, l’Agence nationale du sport, l’Agence nationale de la cohésion des territoires, la DRIEETS d’Île-de-France, la Fédération française de l’équitation, la ville de Vincennes et le conseil départemental de Seine-Saint-Denis. 


Lors du premier confinement de 2020, des clients UCPA ont transformé leurs avoirs en dons. Grâce à leur soutien, nous sommes en mesure d'accueillir plus de structures. L’UCPA réfléchit à la mise en place d’autres ateliers dans d’autres centres équestres qu’elle gère sur le territoire.


Enfin, des actions spécifiques ont été menées pour le bien-être animal avec la mise à la retraite des chevaux en lien avec des associations spécialisées. 


Retrouvez toutes les informations utiles sur le dispositif Ateliers équestres ARPE et découvrez les autres actions solidaires de l’UCPA.


Un article de Laetitia Verdier